Toulouse is AI
CONF #10 : AI for services
Dernière mise à jour : 10 juin 2021
La multiplication des données et l’intensification des puissances de calcul ouvrent la voie à toujours plus d’usages de l’intelligence artificielle. Des processus traditionnels sont transformés tandis que des usages très innovants débarquent sur le marché. La question « AI for services » était au centre de la table ronde organisée le 2 juin 2021 par Future Intelligence* en partenariat avec Toulouse is AI.

Les perspectives de cas d’usage et d’utilisation de l’intelligence artificielle sont immenses. Cinq intervenants ont analysé les usages actuels des données, ce que permet l’IA ainsi que le passage à l’échelle des solutions d’intelligence artificielle : Anne-Laure Charbonnier, directrice générale de Nubbo et présidente d’Ocseed ; Mustapha Derras, directeur de la recherche et de l’innovation chez Berger-Levrault; Mick Levy, directeur de l'Innovation de Business chez Business & Decision ; Patrick Seguela, CEO de Synapse Développement et Thanh-Long Huynh, CEO de QuantCube Technology. Voici les principaux verbatim.
Les usages des données et les nouveaux services rendus par l’IA
Mick Levy, directeur de l'Innovation Business chez Business & Decision et auteur du livre “Sortez vos données du frigo » : « Il y a quatre grandes familles d’usages pour les data et l’IA : l’excellence opérationnelle (automatiser les tâches à faibles valeurs ajoutée ou améliorer les processus grâce aux capacités de prédiction de l’IA), une meilleure ‘intimité client’ (connaissance et expérience client), la maîtrise des risques (lutter contre la fraude, se mettre en conformité) et enfin la création de nouveaux produits et services ainsi que la monétisation des données. Je milite pour une exploitation intensive et responsable des données et de l’IA et pour que des entreprises qui ne sont pas des startups ou qui ne viennent pas nativement de la tech parviennent à se saisir de ces opportunités. »
Anne-Laure Charbonnier, directrice générale de Nubbo et présidente de la société de capital-risque d’Ocseed : « Les entreprises accompagnées par Nubbo actuellement sont pour 50% d’entre elles numériques. Les trois quart embarquent de l’IA comme outil d’optimisation de leur solution ou de leur ensemble technologique final. L’IA permet clairement une différenciation concurrentielle aux entreprises à la fois dans des secteurs traditionnels qui sont en pleine révolution et dans l’ouverture de marchés avec des capacités d’analyse extrêmement nouvelles. Je pense par exemple à Hinfact qui propose un assistant intelligent aux compagnies aériennes et aux centres de formation des pilotes pour améliorer leurs performances, optimiser les temps de formation et la sécurité des vols. »
Patrick Seguela, CEO de Synapse Développement, la PME innovante spécialiste de l’IA appliquée au texte notamment les agents conversationnels : « Dans l’intelligence artificielle textuelle, il n’y a rien de magique et pas à proprement parler d’intelligence ! L’intelligence se centre sur l’état de l’art des algorithmes, les données des clients et la proposition de valeur à laquelle nous voulons aboutir avec le client.
Puisque notre objectif est d’aider les humains à transmettre la connaissance - via des agents conversationnels qui peuvent lire et comprendre une documentation seuls - notre façon d’appréhender l’IA par le machine learning est très centrée sur le l’humain. Grâce à l’analyse de données non-structurées telles que des verbatims ou commentaires et en tirant ses connaissances directement du système d’information de l’entreprise auquel il est connecté, le chabot génère ensuite automatiquement l’ensemble des questions et des réponses pouvant être posées sur les documents analysés. Mais c’est l’humain qui alimente la solution en datas. Il doit donc être au cœur des solutions pour qu’elles soient utiles et évoluer en continu. Le traitement du langage a fait d’énormes progrès ces dernières années et nous positionnons sur le « dernier kilomètre de l’IA » de façon à délivrer la juste information à la bonne personne. »
Mustapha Derras, directeur de la recherche et de l’innovation chez l’éditeur de logiciels et services numériques Berger-Levrault : « Remettons l’IA à sa place. Arrêtons de vendre une chimère ou un rêve intégral d’une IA capable de tout résoudre. On est heureusement revenus sur terre. En revanche, c’est vrai que l’IA est un outil très puissant permettant une qualité de recherche et une rapidité stupéfiante. Il me semble qu’aujourd’hui, il nous faut faire prendre conscience aux personnels que l’IA assiste leur réelle valeur ajoutée au sein de l’entreprise.
Pendant de nombreuses années, l’IA a été périphérique et venait en complément et en assistance. Aujourd’hui, elle se place au cœur du jeu et reconditionne la matière de penser les logiciels et le métier des personnels qui l’utilisent. Si on prend l’exemple de la comptabilité, les comptables « libérés » des tâches fastidieuses de rapprochement d’écritures pour la détection des erreurs peuvent penser leur métier différemment. Même chose pour ce qui concerne les documents administratifs. Grâce aux analyses textuelles, à la robotisation des processus administratifs, à des solutions de suivi et de préparation des conseils municipaux, les administrations peuvent extraire des archives des données intelligentes et ré-accéder à des informations qui n’étaient plus accessibles et qui permettent d’aider à la décision.
Dans ce contexte, il faut aider les utilisateurs, qui peuvent avoir peur de perdre leur travail, à en retrouver la valeur initiale.»
Thanh-Long Huynh, CEO, QuantCube Technology : « Grâce à des technologies de big data et d’IA (NLP et computer vision) nous permettons l’accès aux données économiques et aux variables macroéconomiques en temps réel. Ces données intéressent les organisations internationales, les institutions financières, les fonds souverains, les sociétés de gestion. Nous avons la particularité de traiter des données extrêmement variées : des données textuelles ( réseaux sociaux, contenu des offres d’emploi, commentaires clients), des données satellitaires, des données géolocalisées (80 000 navires en temps réel, 100 000 vols, données cellulaires) et des données structurées (météo ou informations sur les prêts bancaires par exemple). A partir de nos entrepôts de données mis à jour en temps réel, des technologies d’IA très puissantes (la capacité d’analyser 1 million de tweets à la minute) nous ont permis par exemple de prévoir les résultats de l’élection américaine ou le Brexit. Au printemps 2020, nous avons pu fournir très rapidement à la Banque de France et à l’Insee les premières analyses de la baisse de l’activité économique. Nos solutions sont aussi très utiles pour monitorer l’impact environnemental de l’activité économique avec par exemple les données issues du satellite Sentinel-5 P qui mesurent les quantités de NO2 et de SO2 dans l'atmosphère. »
Le passage à l’échelle et les conditions de réussite d’un projet IA
Selon Mustapha Derras « certains secteurs comme par exemple la fintech sont déjà passés à l’échelle mais beaucoup d’autres en sont très loin et il y a de nombreux freins : la maintenabilité des solutions IA avancées et apprenantes et la question de l’acceptabilité. Les clients sont en droit de comprendre les résultats assez spectaculaires (amélioration des temps de réponse, amélioration des réponses, réactivité et réactualisation) auxquels on parvient et il faut pouvoir répondre avec des termes simples. Le dernier frein, ce sont les compétences et la formation des équipes qui utilisent ces solutions. On ne transforme pas le monde en claquant des doigts, il faut globalement augmenter le niveau de compétence et accroître les investissements dans la recherche académique de haut niveau. Quant aux perspectives elles sont immenses et pour Berger-Levrault dans tous les domaines : collectivités, monde médico-social, industrie, secteur hospitalier, éducation, etc. »
Pour Thanh-Long Huynh « les freins au passage à l’échelle concernent essentiellement l’analyse des images. Il est plus difficile d’analyser le développement économique des pays émergents où les bâtiments sont en terre et où les taux de classification sont moins satisfaisants car il est plus complexe de déterminer si une zone est urbaine ou non urbaine. C’est le cas par exemple au Népal, en Inde ou dans les zones arides. Pour prendre en compte la diversité du développement économique de la planète, il nous faut donc des algorithmes très spécifiques. Globalement, les perspectives sont immenses. Il y a de plus en plus de données, une puissance de calcul en progression constante et un boulevard d’opportunités.
Nous n’avons pas de difficultés à recruter. Nous avons reçu 400 candidatures de data scientists depuis septembre dernier. Je sais qu’en revanche les grandes institutions ont plus de mal à le faire. »
Pour Patrick Seguela, « le secret d’un projet IA réussi c'est l'implication très en amont de l’équipe cliente et le sentiment de confiance des agents métiers vis-à-vis de leur hiérarchie. La phase d’accompagnement des équipes est cruciale et nous veillons à la fois à bien définir le besoin, à co-construire les objectifs et à définir les indicateurs de performance avec les équipes qui vont devoir s’approprier le chatbot. Grâce à l’implication des agents métiers très en amont, je dirais que seulement 15% des projets n’aboutissent pas. Le marché des chatbots est actuellement en restructuration. Ce qui était une innovation en 2018 est désormais considéré comme un utilitaire et comme manière la plus impactante de délivrer de l’information et d’engager les personnes qui cherchent de l’information. Le marché a connu une forte croissance ces dernières années. Aujourd’hui, Synapse travaille dans le sens d’une IA utile, frugale, simple et rentable pour les clients. »
Le rappel de Mick Levy : « L’institut Gardner nous dit que seulement 15% des projets IA sont passés à l’échelle tous secteurs traditionnels confondus (transport, retail, banques, assurances, industrie, etc.). Il y a selon moi un gros travail à opérer au niveau de la compétence et de l’acceptabilité. Il arrive que les services IT des entreprises éprouvent une vraie défiance à l’égard des projets IA et même parfois qu’ils les sabotent. D’où l’importance pour la direction des entreprises de faire comprendre ses intentions et de mettre en place la concertation nécessaire. Sur ce sujet aussi on voit que l’acceptabilité des humains est un sujet clé pour la transformation des entreprises »
Selon Anne-Laure Charbonnier, « les perspectives pour l’IA sont immenses et en particulier ici en Occitanie dans le domaine le new space où de nombreux projets très ambitieux sont en cours. L’exploitation des images spatiales s’accroît et va ouvrir de manière exponentielle de nouveaux cas d’usage. Mais ce qui est important va au-delà de la seule technologie. Plus de 90% des fondateurs des entreprises accompagnés par Nubbo sont des chercheurs ou ingénieurs. Ils ont donc une très bonne maîtrise de leurs technologies et notre rôle est de les accompagner pour qu’il y ait une adéquation avec le besoin client et le marché. Les projets sélectionnés ont une hypothèse de modèle économique et de valeur ajoutée mais ne se sont pas encore confrontés à l’exploration réelle du marché. C’est sur cette phase cruciale d’exploration économique que nous les accompagnons. Nous avons par exemple accompagné Geotrend qui a pu affiner sa proposition et qui permet aujourd’hui de réaliser un mapping quasiment instantané et extrêmement fin d’un système économique ou d’un marché. »
Emmanuelle Durand-Rodriguez
*Future Intelligence a été co-organisé par Aerospace Valley, AD’OCC, ANITI, ABE, IANP et Occitanie Data. At Home et Toulouse is AI sont partenaires.