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  • Photo du rédacteurToulouse is AI

Portrait #2 : OpenAirlines, la startup qui aide les compagnies aériennes à réduire leur consommation


Malgré la situation très incertaine du secteur aéronautique, OpenAirlines poursuit ses projets innovants. La startup toulousaine qui analyse les données des avions pour améliorer les émissions de CO2 et la consommation de carburant s’apprête à lancer une nouvelle offre. Grâce au big data, au cloud et à l’IA, OpenAirlines proposera aux pilotes des compagnies aériennes le traitement et l’analyse des données en direct pendant le vol. Interview d’Alexandre Feray, fondateur et CEO d’OpenAirlines.


 

La crise actuelle de l’aéronautique remet-elle en cause le business model d’OpenAirlines ?

La crise n’a pas de conséquences sur notre stratégie mais elle en aura sur notre croissance que nous ne devrions récupérer qu’en 2021. En revanche, notre offre est plus que jamais d’actualité et nous sommes très bien positionnés sur le plan technologique. Je constate que nos offres ont même été préservées dans les décisions d’achat des compagnies. Après deux ans d’essais, Air France a en effet signé avec OpenAirlines en juin et nous analyserons bientôt chaque jour les données de milliers de vols opérés par la compagnie avec l’objectif de réduire de 5% sa consommation de carburant.


De quelle solution s’agit-il ?

SkyBreathe Fuel Efficiency est un logiciel d’aide à la décision qui a été mis sur le marché en 2013 après 4 ans de R&D et qui est aujourd’hui utilisé par 40 compagnies aériennes dans 32 pays. Concrètement, nous récupérons toutes les données contenues dans les boîtes noires des appareils. Au lieu de les utiliser de façon traditionnelle pour la sécurité, nous les exploitons pour améliorer l’efficacité énergétique des vols, à la fois pour la consommation de carburant et pour minimiser les émissions de CO2. Nous nous appuyons sur des algorithmes de big data, d’intelligence artificielle et de machine learning.


Quelles données sont recueillies ?

Dans les boîtes noires des avions, des centaines de paramètres sont enregistrés à chaque seconde : les débits de carburant de chaque moteur, leur régime de puissance, l’altitude, la configuration des ailes et toutes les données de pilotage. Nous recueillons aussi les données de maintenance, les données de plan de vol, les informations sur le trafic aérien et les données météo. Notre solution actuellement commercialisée nous permet de télécharger ces données une fois le vol terminé en se connectant au système d’information de la compagnie. Après interprétation, nous émettons des recommandations pour par exemple proposer des approches différentes, des techniques de pilotage ou des réglages spécifiques. Les destinataires de ces recommandations sont les pilotes, les ingénieurs opérateurs aériens ou les dispatcheurs qui préparent les plans de vol en fonction de la météo.


Les données pourraient-elles être recueillies en direct pendant le vol ?

Oui, nous nous apprêtons à faire de premiers essais en vol pour un nouveau logiciel qui s’appelle SkyBreathe On Board. Depuis 3 ans nous avons un programme de recherche destiné à récupérer les données en direct sur des avions équipés d’un AID (Aircraft Interface Device) qui permet d’accéder aux données de l’avion directement dans le cockpit. Elles sont très contextualisées, basées sur le volume des données et sur les conditions précises de vol en direct. Des recommandations pourront ainsi être données en direct au pilote. C’est un projet de recherche mené avec des compagnies aériennes, notamment Transavia qui sera à nouveau notre client de lancement et aussi Aerolíneas Argentinas et Malaysia Airlines. Les premiers essais en vol ont été décalés mais devraient avoir lieu à la fin de l’été.


Qu’est-ce qui vous distingue de vos concurrents ?

Nos concurrents sont principalement Boeing et Honeywell. OpenAirlines se distingue par les technologies utilisées. Nous utilisons le big data et l’IA là où nos concurrents se basent sur des calculs statistiques. Notre petite taille nous permet aussi d’être plus agiles et à l’écoute des besoins de nos clients. Nos logiciels sont mis à jour toutes les 3 semaines là où d’autres sont plutôt sur un rythme annuel.


Comment les données sont-elles traitées ?

Sur chaque vol nous récupérons des centaines de giga de données (+40% de données chaque année). Les données sont d’abord nettoyées et associées (avec des algorithmes heuristiques et parfois du traitement du signal et du machine learning). Pour faire parler les données, elles sont traitées via des algorithmes et comparées aux données issues d’autres vols. Un algorithme détecte si telle manœuvre était possible, si elle a été faite et quelle économie de carburant est possible a ou été faite. Les compagnies peuvent ainsi changer leurs procédures ou revoir la formation des pilotes. L’objectif est d’améliorer les performances d’ « éco-pilotage » des pilotes et des appareils.


L'entreprise a été créée il y a 14 ans, à un moment où le big data, le cloud, l’IA, le machine learning n’étaient pas aux niveaux actuels. Qu’est-ce qui a changé depuis ?

Les principes de base du machine learning étaient déjà là. La grande différence c’est la puissance de calcul qui est sans commune mesure et en permanente amélioration. Aujourd’hui, lorsque l’on intègre les données historiques d’une compagnie cela peut prendre 20 ou 30 jours. D’ici à la fin de l’année, en passant entièrement sur des architectures cloud et avec le traitement massivement parallèle, on pourra le faire en quelques heures. Les données sont sur le cloud dans différents data centers positionnés au plus près des compagnies, en Europe, à Singapour, au Canada. Nous utilisons essentiellement Amazon Web Services et de plus en plus Google Cloud Platform qui a de l’avance et est plus performant pour les moyens de calcul flexible pour l’intelligence artificielle. C’est le cas notamment pour les GPU, les serveurs dédiés avec processeurs graphiques. Cela dit, nous essayons d’être compatibles avec plusieurs fournisseurs car Google n’est pas disponible en Chine et nous visons des compagnies aériennes chinoises.


Quelles sont vos relations aujourd’hui avec les compagnies aériennes, elles-mêmes aux prises avec une crise dont la sortie n’est pas envisagée avant trois à cinq ans ?

Les compagnies aériennes sont très meurtries par la crise. 40 compagnies aériennes sont nos clientes dans 32 pays différents et il y a un mois seule une compagnie volait : Atlas Air la compagnie cargo américaine qui opère des vols essentiellement pour Amazon et qui donc a beaucoup volé. Toutes les autres se sont arrêtées. Nous avons réduit les coûts de licence (qui sont fonction de leurs activités) et accordé des délais de paiement. Cela a été possible grâce une trésorerie saine et à un prêt garanti par l’État (PGE). Dans le même temps nous avons accéléré le déploiement de nos solutions puisque les compagnies ont de plus en plus la nécessité de réduire leurs coûts et de pousser leur agenda écologique en raison des menaces sur l’environnement.


Quelles innovations sont importantes pour l’aéronautique aujourd’hui ?

Il va y avoir un effort d’investissement considérable et l’environnement va être le thème de recherche numéro 1. C’est la combinaison des innovations (les logiciels, le trafic aérien, le moteur, etc.) qui va permettre de faire des progrès importants dans le domaine de l’environnement. On n’aura pas un avion neutre en carbone tout de suite mais les évolutions vont être significatives.


Comment réagissez-vous aux manifestations de rejet de l’aéronautique ?

Je peux les comprendre même si je trouve que c’est exagéré. L’avion ne représente que 2 à 3% des émissions de gaz à effets de serre. C’est un secteur qui a agi depuis longtemps pour avoir un impact moindre sur l’environnement et enfin il faut reconnaître qu’il n’y a pas de réel moyen de transport alternatif sur les longues distances. L’avion est pour moi porteur de développement économique et de progrès scientifiques et je préfère travailler à trouver des solutions pour réduire son impact.

J’ajoute que nous compensons nos émissions de CO2 en finançant des actions de reforestations au Pérou. De nombreuses compagnies dont Air France s’y sont mises également.


Quelle est la carte d’identité de l’entreprise aujourd’hui ?

Nous sommes un peu plus de 40 personnes. Toute la R&D est à Toulouse et nous avons deux filiales à Hong Kong et aux Etats-Unis pour la commercialisation et le support. Nous avons 25 ingénieurs ou data scientists qui viennent notamment des écoles Toulousaines Supaero et Enac. Notre chiffre d’affaires était de 3,6 M€ en 2019 et avant la crise nous prévoyions 30% de croissance. Nous serons en baisse cette année.

 

Propos recueillis par Emmanuelle Durand-Rodriguez

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