Toulouse is AI
Portrait #3 : Picsell.ia, la startup qui veut réduire le taux d’échec des projets IA
Dernière mise à jour : 11 sept. 2020

La jeune entreprise de Toulouse qui utilise l’intelligence artificielle dans le domaine de la vision par ordinateur lance une plateforme collaborative destinée aux data scientist. Picsell.ia qui s’apprête à lever des fonds porte le projet ambitieux d’être une plateforme de référence pour les entreprises voulant développer des projets IA. Interview de Pierre-Nicolas Tiffreau, CTO et co-founder de Picsell.ia.
Quel est le positionnement de Picsell.ia, un an après sa création ?
Thibaut Lucas et moi-même avons tapé la première ligne de code de Picsell.ia il y a un an tout juste et notre projet se révèle plus ambitieux que prévu ! Au départ, nous nous étions lancés sur un projet d’application de computer vision, la vision par ordinateur, qui mobilise du machine learning et de l’IA pour l’annotation d’images. Rapidement, nous avons constaté que le développement des projets IA est souvent freiné notamment par des bases de données qui ne sont pas assez solides. Il faut bien comprendre qu’aujourd’hui l’IA est encore trop exploratoire, que le taux d’échec des projets IA est important et qu’il faut aider le marché à s’organiser. C’est pourquoi nous lançons une plateforme collaborative comprenant des outils destinés à aider les data scientists.
Votre objectif est de réduire le taux d’échec des projets d’intelligence artificielle ?
Il y a actuellement énormément de projets IA qui échouent à l’étape de prototypage. À cela plusieurs raisons : le manque de moyens, de compétences et d’outils adaptés. Notre objectif est de les aider à réaliser au mieux leurs projets et à réduire le taux d’échec des projets d’intelligence artificielle. Quand une entreprise pense IA, elle recrute un data scientist sans souvent mesurer l’ampleur de la charge. Au début d’un projet IA, il faut en effet mesurer la faisabilité technique, récolter la donnée, la traiter.
Il faut ensuite de la puissance de calcul, en local ou dans le cloud, pour pouvoir entraîner son IA et finalement assurer la mise en production du projet. C’est énorme. On demande tout cela à une seule et même personne quand en fait il faudrait quatre postes différents !
Cela signifie que les projets d’IA sont souvent sous-estimés ?
C’est tout à fait cela. En termes de compétences mais aussi sur la quantité de données nécessaires à la bonne réalisation du projet. Une entreprise peut porter un projet qui parait facile aujourd’hui comme détecter les personnes dans la rue. Sans voir que le projet est irréalisable parce que gourmand en temps d’acquisition, de traitement et d’annotation des données.
Quel type de compétences sont nécessaires pour un projet de computer vision ?
Selon la taille du projet, on peut avoir besoin d’une équipe dédiée à l’annotation (la tâche qui consiste à ajouter des informations sur une image - par exemple un rectangle ou un polygone - pour que le modèle puisse apprendre de l’action humaine) ; le data scientist dont le rôle essentiel est de comprendre les enjeux business, de trouver les algorithmes et de rédiger le code. Ensuite on a généralement besoin d’un data engineer et éventuellement un ingénieur DevOps, qui permettent de gérer toute la partie infrastructure, scalabilité, déploiement et mise en production.
Picsell.ia veut automatiser ces étapes ?
Notre véritable objectif est de faire en sorte que le développement de l’IA devienne aussi simplifié que le développement du software aujourd’hui. Aujourd’hui le marché dispose de beaucoup d’outils très puissants pour collaborer sur le code, comme GitHub, qui ont permis d’accélérer le développement du code par rapport à il y a 15 ans. En revanche, tout est encore à inventer pour l’IA. Il y a énormément de ressources, il y a de plus en plus de gens qui font de l’IA, mais tout est disparate, il n’y a aucune harmonisation, aucune place commune. Certes les géants du Cloud (Amazon, Google…) développent des outils mais tout le monde ne peut pas profiter de tous les outils. Pour nous l’objectif est de créer cette place commune. Pour l’instant nous nous concentrons sur la computer vision mais bientôt nous viserons le texte et les autres types de données.
Que propose la plateforme ?
Notre plateforme comporte deux offres. L’une que l’on appelle « Community » est complètement gratuite pour nos utilisateurs et complétée par une offre pro permettant de collaborer sur les projets. Cette offre propose des data sets d’images qui sont annotées et disponibles pour tout le monde. Cette liste de base de données d’images est elle-même alimentée et leur permet de réaliser leurs premières expérimentations. La deuxième offre est destinée aux entreprises aux entreprises voulant se mettre à l’IA ou disposant déjà d’équipes nombreuses et ayant un besoin d’outils pour dérisquer et accélérer leurs projets.
Quel est l’objectif de la levée de fonds en cours ?
Nous devons à la fois accélérer le développement technique de la plateforme, fortement accélérer sur la R&D pour creuser l’écart par rapport à nos potentiels concurrents et déployer la force commerciale / marketing. Nous visons entre 350 et 550 K€. Un an après le début du projet et quelques mois après la création de l’entreprise au printemps 2020 nous lançons nos premier recrutements. Un troisième associé va nous rejoindre en octobre. Il s’agit de Tristan Méneret, l’ancien directeur commercial de Gatling.
Dans cette phase de création et d’accélération de la R&D, Picsell.ia est-elle accompagnée ?
Oui nous avons toujours été très soutenus par notre école, l’ENSEEIHT et son incubateur N-Start. Nous avons la chance d’être hébergés dans ses locaux en plein centre-ville de Toulouse. En parallèle, depuis décembre dernier nous sommes accompagnés par Nubbo, l’incubateur et accélérateur de startups d’Occitanie. Cette première phase d’accompagnement nous a permis d’être confrontés à des arguments marché. Cela nous a aussi obligé à nous poser les bonnes questions et nous a permis de faire évoluer notre offre. Nous faisons aussi du programme startup et de la market place d’OVH. C’est un partenaire clé car nous partageons la volonté de bâtir des acteurs européens puissants et susceptibles de concurrencer les géants américains.
Aviez-vous depuis longtemps le projet de créer une startup ?
Oui ! Je connais Thibaut depuis la première année d’école d’ingénieurs. Très vite nous nous sommes dit que nous ne rêvions pas d’un CDI à la sortie de de l’école. Nous pensions déjà soit à la recherche soit à l’entrepreneuriat. En deuxième année, nous sommes partis en stage en Malaisie et c’est à ce moment qu’est née la première version de notre projet qui a bien évolué depuis !
Propos recueillis par Emmanuelle Durand-Rodriguez